Le Rassemblement national ambitionne de « refaire de la France un paradis énergétique », selon son programme pour les élections législatives, présenté le 24 juin (notre article sur le flou du programme écologique du RN). Et pour cela, son atout maître est le « plan Marie Curie de relance du nucléaire », y lit-on. Présenté en mars 2022, pendant la campagne présidentielle de Marine Le Pen, puis à nouveau un an plus tard en réponse au projet de loi sur l’accélération des procédures nucléaires, il n’avait jamais été publié en intégralité par le parti. Contexte le rend public.
Selon le « Monsieur Énergie » du Rassemblement national, Jean-Philippe Tanguy, le document que nous publions est la version finale du plan utilisé pour la campagne de 2022. Il a été « modifié très succinctement » depuis sa première présentation, précise à Contexte le député sortant de la Somme.
De fait, Contexte a pu consulter une version antérieure du « plan Marie Curie ». Dans celle-ci, le parti d’extrême droite souhaitait rouvrir la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), ce que Marine Le Pen proposait lors de la présidentielle. Ce n’est plus le cas : il s’agit désormais de suspendre le démantèlement du site, puis de réaliser un audit pour déterminer « les meilleures options pour [son] avenir ». Autre changement : les premiers EPR ne devraient plus être livrés à partir de 2031 mais deux ans plus tard, à partir de 2033. Un décalage justifié le 24 juin par Jean-Philippe Tanguy par le fait que le gouvernement « n’a rien foutu ces deux dernières années ».
Le « plan Marie Curie » coûtera, selon les estimations du RN – qui le compare aux coûts du soutien aux renouvelables –, « 6 à 7,5 milliards d’euros par an entre 2023 et 2050 ». En 2022, le parti misait sur l’hypothèse de deux quinquennats de Marine Le Pen : durant ces dix ans, l’État aurait dû engager « 150 à 180 milliards d’euros ».
Le flou subsiste quant au mix électrique envisagé (relire notre brève). Page 27, il est écrit que le mix électrique de 2050 sera composé de 70 % à 80 % d’électricité nucléaire, 10 % d’hydroélectricité et « 10 à 20 % d’électricité produite à partir de stockage d’hydrogène ». Ces chiffres sont différents de ceux avancés dans un graphique page 22, qui font foi, selon Jean-Philippe Tanguy.
« Un projet politique est vivant, il n’est pas figé dans la naphtaline »
« On ne prétend pas connaître au pourcentage près ce que sera le mix électrique en 2050 », se défend l’intéressé. Le député sortant prône dans tous les cas « un scénario concentrant les efforts sur des énergies pilotables, maîtrisées par la France, peu gourmandes en matériaux et en terrain », le tout « avec le moins de paris technologiques possible ».
Les choix du RN sur ce dernier point ne semblent d’ailleurs pas totalement arrêtés, puisque le « plan Marie Curie » prévoyait, dans un premier temps, la livraison de cinq paires d’EPR – comme celui construit à Flamanville (Manche) –, puis la livraison de cinq paires d’EPR2 cinq ans plus tard. Lors de la présentation du programme de son parti, le 24 juin, Jean-Philippe Tanguy n’était pas aussi clair.
Il a d’abord fustigé le choix de l’actuel gouvernement d’avoir lancé un programme de construction d’EPR2 plutôt que des EPR. « Le gouvernement a choisi [pour son programme de relance du nucléaire, Ndlr] un réacteur sur étagère : l’EPR2. Nous, nous préférons lancer des modèles EPR », déclarait-il à Contexte.
Quelques heures plus tard, et face aux contradictions de certains de ses collègues qui plaidaient pour une poursuite – et une accélération – du programme de construction d’EPR2 lancé par le gouvernement, il a finalement nuancé ses propos, affirmant que son parti souhaite développer « le réacteur le plus rapidement déployable et opérationnel ». « Un projet politique est vivant, il n’est pas figé dans la naphtaline », s’est-il encore justifié.
Preuve en est, le projet énergétique a beaucoup évolué depuis la présidentielle. Sur le solaire photovoltaïque, pour commencer, qui était totalement absent du « plan Marie Curie » en dehors des territoires ultramarins, et qui devait alors faire l’objet d’un moratoire – au même titre que l’éolien. Deux ans plus tard, Jordan Bardella a annoncé souhaiter « recréer une filière photovoltaïque en France ». Jean-Philippe Tanguy reconnaît d’ailleurs que « l’efficacité du couplage entre énergie solaire et stockage d’électricité » apparaît « plus fiable que prévu ». Ce qui le pousse à le « réintégrer » dans le mix, en cas de création de ladite filière française.
Des évolutions pour la plupart non chiffrées
Le RN a aussi fait évoluer ses positions pour tenir compte de nouvelles données, explique Jean-Philippe Tanguy. Il intègre désormais « des nouvelles opportunités dans le développement de l’hydroélectricité et des Steps [stations de transfert d’énergie par pompage, Ndlr] », en s’appuyant sur le scénario TerraWater de l’association Les Voix du nucléaire. Lequel vise la mise en place de 42 GW de nouvelles Steps d’ici à 2041, pour un total de 8 TWh de capacités.
Selon la Direction générale de l’énergie et du climat, le gisement de nouvelles capacités hydroélectriques se situe autour de 1 GW (relire notre brève) et RTE intègre un potentiel total de Steps supplémentaires de 3 GW entre 2020 et 2050 dans son étude « Futurs énergétiques ».
En matière d’hydroélectricité toujours, le RN entend « sortir du conflit avec Bruxelles sur les barrages hydroélectriques » en les plaçant sous le régime de l’autorisation d’exploitation – en lieu et place du régime concessif actuel. Un projet également défendu par le gouvernement, mais qui a peu de chances d’aboutir (relire notre article).
Le parti d’extrême droite n’évoque plus aujourd’hui, alors qu’il le faisait dans le « plan Marie Curie » (graphique page 22), des capacités de production d’électricité à partir de sources carbonées, mais leur préfère d’éventuelles « capacités nouvelles en biomasse ou biogaz », si l’équilibre entre offre et demande le nécessite.
« Le but, c’est que la France n’ait plus à importer d’électricité », déclare Jean-Philippe Tanguy. Lequel reconnaît d’ailleurs avoir « sans doute sous-estimé l’utilité du biogaz ». Et souligne enfin « les perspectives étonnantes d’exploitation de l’hydrogène blanc », sans donner plus de précisions.