LFI, tout en contrôle
Ciel chargé de promesses d’orages, mines graves, BFM sur les écrans géants, sondages en boucle sur les téléphones. Le fond de l’air était électrique à La Faïencerie (Paris Xe), QG de La France insoumise. LFI a pris ses quartiers dans la seule salle disponible à proximité de la place de la République, où s’est déroulée la deuxième partie de soirée.
Au milieu de la foule de journalistes – 240 ont été accrédités, quatre fois plus qu’aux européennes –, Gabrielle Cathala, secrétaire générale du groupe à l’Assemblée, attire moins la lumière qu’un très jeune militant inconnu tombé sous les hordes des caméras. Candidate dans le Val-d’Oise, elle sait que tout dépendra, pour elle, du report de voix des macronistes. Le communiqué en cas d’arrivée en deuxième place ou troisième place est prêt, glisse-t-elle peu avant 20 h. Désormais, la bataille entre le RN et le Nouveau Front populaire dans de nombreuses circonscriptions va créer un affrontement clair, accroître le « niveau de politisation » et mener à un regain de participation au second tour, veut croire Sarah Legrain, députée sortante du XIXe arrondissement de Paris – élue au premier tour, apprendra-t-elle plus tard.
« Soixante-seize pour cent des électeurs macronistes veulent un “front républicain” au second tour », font remarquer à tour de rôle trois personnes. Toutes ont accès à la salle du rez-de-chaussée, où Jean-Luc Mélenchon, Manuel Bompard, Danièle Obono et les principaux chefs à plumes reçoivent les sondages sortis des urnes tandis qu’une quinzaine de geeks de la carte électorale moulinent des tableurs Excel. On nous invite encore à poser à l’Élysée la question de ce que feront ses candidats en cas de triangulaire.
20 h 15. Jean-Luc Mélenchon monte sur l’estrade flanqué de Manuel Bompard et Rima Hassan, vite rejoints par Sarah Legrain et Younous Omarjee. « Nulle part, nous ne permettrons au RN de l’emporter, et c’est pourquoi, dans l’hypothèse où il serait arrivé en tête, tandis que nous ne serions qu’en troisième position, nous retirerons notre candidature », assène-t-il au bout de quatre minutes et demie de discours. Explosion d’applaudissements dans la salle.
La défaite de Fabien Roussel tombe alors sur les smartphones. « Je comprends mieux pourquoi les communistes ne voulaient pas participer à la soirée électorale. Ils étaient fébriles. »
À lire : le trombinoscope des élus au premier tour.
Du côté des Écologistes, l’air grave en tout petit comité
À proximité, aussi, de la place de la République, Les Écologistes organisent leur soirée à domicile. Là où s’étaient tenues les négociations du Nouveau Front populaire. Il y a peu d’élus – ils sont tous en circonscription –, surtout des jeunes militants prêts à rejoindre la République à 21 h 30, mégaphone à la main.
Au fond, Marine Tondelier s’est réunie avec quelques élus et des membres du bureau exécutif. Les premiers sondages sous embargo tombent, le Rassemblement national confirme sa course en tête. Le député européen David Cormand et d’autres sortent de la salle. « L’extrême droite en majorité absolue, ça serait inédit en Europe, ailleurs ils arrivent au pouvoir par coalition », s’inquiète l’élu.
À 20 h 05, Marine Tondelier, grave, prend la parole. « Nous avons acté en vingt-quatre heures le Nouveau Front populaire après la dissolution, il faut que l’on acte en vingt-quatre heures le nouveau front républicain », clame la secrétaire générale du parti, qui dit avoir écrit en ce sens aux principales figures de la coalition présidentielle. En arrière-plan, sans le son, la télévision diffuse le discours de Marine Le Pen, qui vient de démarrer.
La cheffe des Écologistes prend le député européen Mounir Satouri dans ses bras et lui glisse : « Moi ça fait dix ans que je vis ça. » Elle est en effet conseillère municipale à Hénin-Beaumont, où Marine Le Pen vient d’être réélue dès le premier tour.
Dans la foulée, les militants se figent devant Jean-Luc Mélenchon qui prend la parole de son QG. Quelques-uns s’agacent. La salle applaudit lorsque la figure LFI appelle enfin « au retrait des candidatures dans le cas où le RN est en tête et le NFP troisième ».
20 h 36, la marmite de punch est à moitié vide, une dizaine de personnes boivent un dernier verre. La soirée continue en coulisses, mais sans nous.
Au RN, service minimum pour Jordan Bardella
À 500 mètres de l’Arc de Triomphe, Jordan Bardella s’extirpe d’un essaim de caméras et s’engouffre dans le Pavillon Wagram. Il est 20 h 30. Au premier étage de cet ancien cercle de jeu parisien, sa garde rapprochée l’attend déjà : François Paradol (élu régional RN et directeur de cabinet du patron du parti), Arthur Perrier (après avoir gravité dans les cercles zemmouristes, il est devenu son chef de cabinet) et Antonin Besset (un ex-lobbyiste dans l’automobile qui l’assiste désormais à Bruxelles). Costume-cravate pour les deux derniers et moyenne d’âge de 30 ans à eux trois.
La pièce où ils se sont enfermés est gardée par un agent de sécurité. Inaccessible aux quelque 200 journalistes – dont de nombreux médias étrangers –, qui trépignent, dans la chaleur, un étage plus haut. Un reporter islandais cherche à traduire le slogan sur le pupitre : « L’alternance commence. » Peu de temps avant, l’écran de télévision branché sur TF1 a donné les premières estimations officielles : entre 240 et 270 sièges pour le RN, selon l’institut Ifop. Coup de talon furtif et moue pincée du conseiller presse de Jordan Bardella. Victor Chabert s’attendait à mieux. Une heure plus tôt, il arborait un sourire triomphant, évoquant un scénario à « plus de 300 députés… ».
À 20 h 32, Jordan Bardella appelle « tous les Français à [le] rejoindre [pour] faire gagner l’union nationale ». À 20 h 40, il n’est déjà plus là. Ce lundi en fin de matinée, le bureau exécutif du parti se réunira pour évoquer les cinq derniers jours de campagne. Les Républicains n’ont pas donné de consigne de vote. Le RN est persuadé qu’il en tirera profit. Victor Chabert s’en amuserait presque : « S’ils veulent un bateau qui flotte, ils savent où ils doivent aller. »
À lire : la carte des législatives, avec le filre sur les partis en tête face au RN.
À Renaissance, une soirée électorale fantôme
Tout le week-end, les messages des journalistes dans le groupe WhatsApp de la campagne n’ont pas trouvé de réponse. Une soirée électorale du camp présidentiel est-elle prévue pour dimanche soir ? « On vous tiendra au courant », rétorquent les équipes de presse de Renaissance. Finalement, le jour J en fin de matinée, le camp présidentiel s’éveille : Gabriel Attal prendra la parole dans la soirée du QG de Renaissance, dans le VIIIe arrondissement de Paris. La presse est attendue rue du Rocher à 18 h, pour un discours du Premier ministre après les résultats.
L’espoir d’une soirée électorale permettant de prendre la température de la future ex-majorité sera de courte durée, puisqu’à 17 h 50, les équipes de Gabriel Attal annoncent « décaler » l’ouverture des portes du QG. D’une « bonne heure », d’abord. Puis, l’heure s’étirant, et sous l’insistance de la presse amassée dans l’étroite rue du Rocher, les journalistes seront finalement invités à traverser la Seine pour écouter l’allocution de Gabriel Attal de Matignon. Tout comme la remontada d’Ensemble, la soirée électorale n’aura pas lieu.
Au PS, le QG retient son souffle
À côté de la porte Saint-Martin, proche de la place de la République, au local du Parti socialiste, seuls une dizaine de membres de l’état-major entrent et sortent des deux salles surchauffées du rez-de-chaussée. L’objectif : faire des directs et des off avec la quarantaine de journalistes accrédités dans les locaux.
Les membres du PS sont descendus à 20 h, pour assister à l’annonce officielle des résultats. Les visages sont restés fermés jusqu’à la prise de parole de Jean-Luc Mélenchon. Car si tous les partis du Nouveau Front populaire – dont La France insoumise – avaient déjà affirmé qu’ils se retireraient en cas de ballottage défavorable dans une triangulaire, le parti de Jean-Luc Mélenchon avait laissé flotter le doute sur son appel à voter pour le candidat le mieux placé face au Rassemblement national. « On attend la déclaration de Jean-Luc Mélenchon », balayait Sébastien Vincini, secrétaire national du PS, interrogé sur le positionnement du leader Insoumis.
Quelques minutes plus tard, Jean-Luc Mélenchon annonce : « Où que ce soit et dans quelque cas que ce soit, notre consigne est simple, directe et claire : pas une voix, pas un siège de plus pour le RN. » Cette dernière nuance suscite un soulagement dans les rangs. « Il a dit le plus important », estime Corinne Narassiguin, sénatrice de Seine-Saint-Denis. Même s’ils trouveront toujours « une périphrase pour ne pas appeler à voter pour un candidat de droite ». « C’est toujours bien d’être rassuré », renchérit Emma Rafowicz, eurodéputée PS.
Place de la République, une gauche de combat
Il est enfin l’heure de converger vers la place de la République. L’ordre des prises de parole a été tiré au sort. C’est le principe adopté à la naissance du Nouveau Front populaire. Igor Zamichiei (PCF), Marine Tondelier (Les Écologistes), Manuel Bompard (LFI), Olivier Faure (PS), Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Olivier Besancenot (NPA) vont se succéder au micro.
Les militants sont rassemblés devant la scène montée pour l’occasion tandis que les ténors des partis arrivent au compte-goutte, après avoir fait la tournée des plateaux télé.
Vers 23 h, tous sont enfin réunis, avec le même mot d’ordre : « le combat » contre l’extrême droite.
Mis à jour à 9 h 50 pour modifier l'horaire de la réunion du bureau exécutif du Rassemblement national.