Le renouvellement des 170 sièges de sénateurs a rendu son verdict, le 24 septembre. Bruno Retailleau, le patron des Républicains au Sénat, est satisfait. « Ces élections sénatoriales confortent la majorité sénatoriale, et particulièrement le groupe Les Républicains qui reste largement le premier groupe du Sénat », a-t-il twitté. Son entourage évoquait pourtant une perte de trois sénateurs. La photographie, après le dépôt des listes des groupes, le 3 octobre, pourrait être moins flatteuse.
Érosion du groupe LR, qui reste, de loin, le premier groupe du Sénat
À droite, les divisions ont entraîné des pertes. Dans les Hauts-de-Seine, la dissidence de Marie-Do Aeschlimann a coûté deux postes sur les quatre espérés initialement par la liste officielle. Dans l’Orne, le Maine-et-Loire ou la Marne, le groupe perd des sièges au profit des candidats proches d’Édouard Philippe. Dans le Nord, la liste emmenée par Marc-Philippe Daubresse recule d’un siège et c’est Franck Dhersin, membre d’Horizons et proche de Xavier Bertrand, qui en profite. Il y a aussi des déceptions, comme dans le Val-de-Marne, où les bons résultats aux élections départementales et municipales auraient pu apporter un siège supplémentaire. Idem en Seine-Saint-Denis, où la droite LR perd un siège.
Au rang des satisfactions, le groupe sauve in extremis ses deux sièges dans l’Essonne, en gagne un en Isère, dans les deux cas aidé par la division de la gauche. À Paris, la liste LR officielle fait élire trois sénateurs, dont Marie-Claire Carrère-Gée – ancienne secrétaire générale adjointe de Jacques Chirac à l’Élysée – en plus d’Agnès Evren, partie en dissidence. Certaines défaites seront aussi sans effet, puisque des candidats dissidents devraient rester dans la majorité sénatoriale. C’est le cas de Philippe Pacaud, dans l’Oise, qui a écarté Jérôme Bascher (LR) du palais du Luxembourg. Dans la circonscription des Français de l’étranger, des proches de Jean Pierre Bansard, membres de son parti AFSE, empêchent la liste LR emmenée par Ronan Le Gleut de faire un deuxième élu.
L’Union centriste, stable, revendique plus d’influence au sein de la majorité sénatoriale
« Aux sénatoriales, il y a un peu deux élections, a rappelé le président du groupe UDI Hervé Marseille, non sans malice. Il y a l’élection des sénateurs et puis il y a le chemin qui les amène au Sénat. Et sur ce chemin, il y a toutes sortes de tentations, il y a des boutiques, ici ou là, qui peuvent leur promettre un souvenir radieux… » Voilà pourquoi le centriste espère, à force de ralliements de candidats divers droite et divers centre, faire progresser son groupe de trois sièges. Son groupe sera renforcé par l’arrivée de l’ex-députée MoDem Isabelle Florennes, qui était sa colistière dans les Hauts-de-Seine, élue comme son père Jean-Marie Vanlerenberghe dans le Pas-de-Calais.
La stabilité des centristes, conjuguée à l’érosion du groupe LR, va permettre à l’Union centriste de gagner en influence au sein de la majorité sénatoriale, veut croire une sénatrice membre du groupe. Voire de « colorer plus fortement » certains textes, évoquant notamment les discussions sur la loi immigration, dans lesquelles les centristes prônent la régularisation des travailleurs dans les métiers en tension.
Perte d’influence des macronistes, les philippistes en pleine dynamique
Le groupe RDPI de François Patriat a perdu des plumes. D’importantes figures macronistes du Sénat ont été défaites, à l’instar d’Alain Richard (Val-d’Oise), de Julien Bargeton (Paris), Frédéric Marchand (Nord). D’autres ont jeté l’éponge avant l’élection, comme André Gattolin, Michel Dagbert et Michel Dennemont. La perte d’attraction du macronisme est aussi illustrée par la défaite de la ministre chargée de la Citoyenneté Sonia Backès, en Nouvelle-Calédonie, même si les réélections inattendues de Martin Lévrier (Yvelines), Xavier Iacovelli (Hauts-de-Seine) et Didier Rambaud (Isère) limitent la casse. François Patriat compte sur des ralliements pour se maintenir à une vingtaine de membres. Il cite notamment la venue d’Olivier Bitz, rattaché à Horizons mais qui a été soutenu par Renaissance, ou encore de Pierre-Jean Rochette, élu divers droite dans la Loire.
Par contraste, la dynamique est inverse du côté d’Horizons. Louis Vogel (Seine-et-Marne), chargé des idées au sein du parti d’Édouard Philippe, va intégrer le Sénat. Six autres sénateurs se sont rattachés à Horizons, dont Emmanuel Capus (Maine-et-Loire), Cédric Chevalier (Marne), Franck Dhersin (Nord), Vincent Louault (Indre-et-Loire), Joël Guerriau (Loire-Atlantique). La plupart devraient rejoindre le groupe de Claude Malhuret, qui espère passer de 14 à 18 membres et souligne une « stratégie d’implantation territoriale payante ». D’autres, non rattachés à Horizons, pourraient en faire de même, à l’instar de Corinne Bourcier, élue dans le Maine-et-Loire.
Une gauche au-delà de la centaine de sénateurs
L’ensemble des groupes de gauche progressent. Le PS, premier groupe d’opposition avec 64 membres, pourrait gagner un à deux sièges supplémentaires, selon nos calculs, avant d’éventuels nouveaux ralliements. Au-delà de sa progression, le groupe socialiste souligne son renouvellement « avec 50 % de nouveaux élus ». Un phénomène incarné par l’arrivée de la numéro deux du parti, Corinne Narassiguin, élue en Seine-Saint-Denis (le PS y remporte un siège supplémentaire).
Le groupe écologiste est celui qui progresse le plus fortement, passant au minimum de 12 à 15 sièges. Les pertes dans le Morbihan et le Val-de-Marne sont compensées par les gains dans les Yvelines et chez les Français de l’étranger (Mathilde Ollivier), sans compter les 3 sièges parisiens (dont Anne Souyris, élue en huitième position). Ils pourraient aussi être rejoints par Akli Mellouli, dissident socialiste élu dans le Val-de-Marne, et par Grégory Blanc, membre de Génération.s et élu en Maine-et-Loire, également sondé par le groupe socialiste. L’indépendantiste kanak Robert Wienie Xowie (FLNKS) est à la fois courtisé par les écologistes, qui l’ont soutenu pendant la campagne, et par les communistes, traditionnellement proches des mouvements indépendantistes ultramarins.
Avec 17 élus comptabilisés (+ 2 sénateurs), les communistes sont en bonne place pour rester devant le groupe écologiste en termes d’effectif. Des victoires en Seine-et-Marne, Val-d’Oise, Meurthe-et-Moselle et à La Réunion compensent largement les replis en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne. Les candidatures LFI, écartées de l’accord électoral commun à gauche, ont empêché des gains supplémentaires, notamment dans l’Essonne, dans les Hauts-de-Seine et en Isère.
Le groupe RDSE en position de se maintenir
Il ne manquait que trois élus au groupe radical pour se maintenir. Avec la réélection de Maryse Carrère, d’Éric Gold et de Véronique Guillotin, le groupe peut assurer son maintien. L’élection de Raphaël Daubet, membre du Parti radical dans le Lot, et celle d’Ahmed Laouedj, responsable du PRG en Seine-Saint-Denis, leur permettraient de se maintenir à douze membres. L’ancienne ministre de la Mer d’Emmanuel Macron, Annick Girardin, a annoncé qu’elle participerait à la première réunion du groupe, prévue le 25 septembre, glisse Henri Cabanel. Jean-Pierre Corbisez, réélu avec les communistes dans le Pas-de-Calais, a déjà annoncé qu’il quitterait le groupe. Reste à savoir ce que fera Guylène Pantel. Élue en Lozère, cette socialiste siégeait avec le groupe RDSE après avoir remplacé le radical Alain Bertrand, décédé en 2020.
Mise à jour le 25 septembre, avec publication d’une analyse des résultats.
Mise à jour le 13 juillet. Notre infographie a été complétée avec les candidatures et les accords entre forces politiques révélés par Contexte ou publiés par la presse locale.
Corrigé le 17 mai à 16 h 30. Le mode de scrutin indiqué pour chaque circonscription était mauvais ; il était indiqué « scrutin proportionnel » dans les circonscriptions à scrutin majoritaire, et inversement.