Il flotte comme un petit air de panique dans les couloirs de l’Assemblée nationale en cette soirée du 4 octobre. Alors que la commission des Finances vient de rejeter le projet de loi de programmation des finances publiques , Gabriel Attal déclare aux députés : « La non-adoption de ce texte pourrait entraîner un retard, un délai, voire une amputation des fonds européens qui nous sont versés dans le cadre du plan de relance. »
La porte-parole de la Commission…
Documents - La pénible navette entre Paris et Bruxelles pour négocier le plan de relance
Plus de six mois de négociation laborieuse. Des documents obtenus par Contexte montrent une pénible navette entre Paris et Bruxelles. L’administration hexagonale tentait d’ébaucher un plan qui plaise à la Commission, qui ne cessait d’exiger plus de détails.
La France envoie un premier jet dès septembre 2021, soit six mois avant la soumission officielle du plan. Les contours de ce qui sera le plan final apparaissent déjà nettement, avec notamment les neuf « composants » (chapitres) qui ne bougeront plus (rénovation énergétique, écologie, infrastructures, énergie et technologies vertes, financement des entreprises, souveraineté technologique, mise à niveau numérique de l’État, sauvegarde de l’emploi, recherche). Dès la fin de ce mois, la Commission revient vers Paris, exigeant des détails sur le « niveau de granularité » de plusieurs mesures.
En novembre, Paris envoie ses composants plus détaillés. L’exécutif européen décide alors d’organiser une série de réunions sur chaque composant. Les réunions en question sont intenses. « Des appels téléphoniques de trois ou quatre heures », se rappelle une source y ayant participé. « Des représentants de tous les ministères étaient alignés. La Commission nous appelait un par un et déroulait des listes de questions sur chaque mesure proposée. »
Les questionnaires envoyés en amont par la Commission font en effet apparaître le niveau d’exigence de cette dernière. « Pouvez-vous justifier le choix de cette composante ? », « Pouvez-vous donner plus de détails sur le fonctionnement du dispositif de soutien envisagé ? » ou « Pouvez-vous donner davantage de détails sur les propositions de fond ou les orientations qui seront reprises dans ce projet de loi ? », ne cesse-t-elle de demander.
Conséquence logique, Paris a dû faire des changements. Sur les transports, les ministères dédiés retirent la « mise en œuvre de la loi d’orientation des mobilités », contestée par Bruxelles. Sur la recherche, ils précisent que l’une des mesures proposées ne vise la préservation de l’emploi que dans la R&D « privée », à la suite des interrogations de Bruxelles sur l’absence de la recherche publique dans le plan. L'énergie s'en tire avec moins de changement, malgré les nombreuses demandes bruxelloises.
Cela ne suffit néanmoins pas à la Commission, qui s’impatiente. « Nous souhaiterions avoir une clarification par rapport aux éléments déjà discutés au niveau technique, qui j’imagine ont été retravaillés pour tenir compte de nos échanges », écrivent ses services en février 2021. « Quand serez-vous notamment en mesure de transmettre une version consolidée (...) Il serait vraiment utile de l’avoir au plus vite afin de pouvoir avancer sur toutes les questions techniques ». Elle envoie début mars une nouvelle liste de remarques - manque d’informations sur les énergies renouvelables, justifications trop légères sur l’innocuité environnementale, coûts pas assez explicité de certaines mesures.. En parallèle, elle formule des remarques transversales sur les jalons et cibles que la France devra respecter pour récupérer les fonds du plan de relance.
Les réunions s’enchaînent et Paris continue à envoyer des éléments de précision, jusqu’à ce que le projet finisse par satisfaire la Commission - courant avril, soit juste avant la présentation officielle du plan.