La fabrication du droit européen est pleine de circonvolutions. Au-delà de la procédure législative – qui associe la Commission, le Parlement et les États –, il existe aussi des procédures internes, que chacune de ces institutions a l’obligation de respecter.
Telle est la raison d’être du Comité d’examen de la réglementation, connu à Bruxelles sous son appellation anglaise de « Regulatory Scrutiny Board » ou plus simplement « RSB ». Logé au sein du Secrétariat général de la Commission, cet…
La connectivité spatiale sécurisée, un cas d’école
Un exemple illustre la minutie du travail du RSB : l’initiative sur la connectivité spatiale. Cette proposition, présentée par Thierry Breton en février 2022, vise à mettre en place un système de communication haut débit par satellite en Europe. Des documents internes à l’exécutif obtenus par Contexte permettent de retracer les allers-retours entre la Direction générale « Défense et espace » (DG « Defis ») à l’origine du texte et le RSB.
La première étude d’impact est soumise en octobre 2021 au RSB. Ce dernier demande à voir une étude commandée par la DG Defis à un prestataire, puis envoie une première liste de questions. Leur champ est très large : si certaines ne s’intéressent qu’à la structure de l’étude d’impact (le nombre restreint de scénarios présentés et le manque de détails sur leur impact respectif), d’autres abordent le cœur même du texte (la base juridique utilisée, le choix d’utiliser un réseau européen, etc.). Certains vont plus loin, et touchent aux objectifs politiques sous-jacents : le comité enjoint ainsi à la DG d’expliquer les différences entre les expressions « autonomie stratégique européenne », « souveraineté européenne » et « souveraineté numérique européenne ».
Après une audition, le RSB délivre un avis négatif. « Le rapport ne présente pas de logique cohérente d’intervention », notent ses membres. Defis se voit forcé de revoir sa copie. Une seconde version de l’étude d’impact est transmise au RSB le 20 décembre, mais subit le même sort que la première.
Le texte n’est finalement passé que sur décision spéciale du collège des commissaires européens, une décision politique d’outrepasser les objections de ce comité technique. La DG a tout de même dû ajouter une annexe à son étude d’impact finale, afin de fournir « des éclaircissements supplémentaires et des éléments de preuve sur les domaines dans lesquels le comité avait formulé des suggestions spécifiques d’amélioration ».