C’est un engagement pris en 2017, dont la concrétisation était attendue en 2021. Puis les reports se sont multipliés au gré de divergences internes entre les Directions générales de l’industrie (à la manœuvre) et de l’environnement, suscitant les critiques et les inquiétudes des ONG environnementales, de la communauté scientifique et d’eurodéputés.
C’est finalement le 30 août 2022 que la Commission a publié – en toute discrétion et alors que personne ne l’attendait avant plusieurs mois – son projet de texte visant à restreindre l’usage, et donc les rejets dans l’environnement, des microplastiques ajoutés volontairement par les fabricants dans certains matériaux et produits du quotidien (voir le projet de texte et ses annexes).
Terrains de sport, maquillages, détergents et pesticides
Pour lutter contre cette pollution, qu’elle qualifie d’« extrêmement persistante, pratiquement impossible à éliminer de l’environnement une fois émise, et qui s’accumule », la Commission propose d’interdire l’utilisation des microparticules de plastique pour les terrains de sport synthétiques, certains produits cosmétiques, les détergents et des pesticides.
Selon l’Echa, les microplastiques utilisés pour remblayage ou remplissage des terrains de sport en gazon synthétique sont « le plus grand contributeur au niveau européen en termes de quantités de microplastiques ajoutés intentionnellement puis rejetés dans l’environnement ». Elle estime à 16 000 tonnes le poids de ces microparticules rejetées chaque année.
Mais toute mesure étant conditionnée à son impact socio-économique et à l’existence d’alternatives, la Commission a prévu des périodes de transition, en s’appuyant sur les recommandations de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa, en anglais) et de ses comités d’analyse des risques.
Un sursis de douze ans pour les cosmétiques
« Réduire les émissions [de microplastiques] sans délai excessif », tel est l’objectif énoncé par l’exécutif dans son projet de texte.
Un engagement qui n’est qu’à moitié tenu aux yeux du Bureau européen de l’environnement et de ClientEarth, qui pointent du doigt des périodes de transition dépassant parfois la décennie.
La Commission accorde en effet un délai de douze ans aux fabricants de certains produits de maquillage sans rinçage, comme les rouges à lèvres et les vernis à ongles, pour proposer des articles sans microplastiques, ou « microplastics-free ». Une longue période de transition qu’elle justifie par la « plus faible » contribution de ces produits aux émissions globales de microplastiques, le besoin de développer des alternatives et pour « limiter les coûts pour l’industrie ».
« Accorder un tel délai au marché des cosmétiques, sachant qu’une multitude d’alternatives sans microplastiques existe déjà, est difficilement justifiable », a réagi auprès de Contexte Hélène Duguy, juriste spécialisée dans les produits chimiques chez ClientEarth, ajoutant que ce délai ne figure pas dans les recommandations de l’Echa et, en particulier, celles du Comité d’analyse socio-économique (Case).
Pour les autres usages, les délais varient de huit ans pour les pesticides à six ans pour les terrains de sport et les contenants de parfum et cinq ans pour les détergents, cires, produits d’entretien de l’air et les engrais.
Avec quelques exceptions
Ces futures restrictions européennes, si elles sont adoptées, s’appliqueront à la fois aux micro et aux nano plastiques. La proposition de la Commission couvre les microparticules allant de 0,1 micromètre à 5 millimètres.
Elles se limitent en revanche aux microplastiques synthétiques. Les polymères naturels, dégradables et solubles en sont exclus, « car ils ne contribuent pas au risque » pour l’environnement. Même chose pour les polymères sans atomes de carbone, faute de données d’écotoxicité « pertinente » sur les risques qu’ils présentent.
Si la Commission a eu besoin d’un long élan pour oser ce premier pas, le match ne fait que commencer et tous ces paramètres sont encore susceptibles d’évoluer. C’est maintenant au tour des États membres d’entrer en jeu. Le Parlement européen, lui, est sur le banc, faute de compétence dans ces procédures qui relèvent de la comitologie.
La proposition de la Commission, qui prend la forme d’un amendement au règlement Reach sur les produits chimiques, sera présentée aux experts nationaux le 23 septembre à l’occasion d’une réunion extraordinaire du comité Reach.