La version finale du plan national d’adaptation au changement climatique.
Est-ce lié à la fraîcheur des températures qu’a connue la France ces dernières semaines ? Quoi qu’il en soit, la rencontre entre le thème de l’adaptation au changement climatique et de Gabriel Attal n’aura pas eu lieu, jusqu’à la fin de son séjour à Matignon. Le Premier ministre démissionnaire avait pourtant préempté la présentation du fameux plan censé préparer la France à encaisser un choc de + 4 °C de réchauffement d’ici à 2100.
Le non de Matignon
Sitôt finie la période de réserve liée aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet, le ministère de la Transition écologique aurait voulu enfin publier le projet de troisième plan national d’adaptation écologique, fruit de longs mois de travail. Comme il ne s’en est d’ailleurs pas privé pour d’autres textes, notamment ceux d’application de la loi industrie « verte »… C’était sans compter sur le « non » définitif donné par Matignon, le 10 juillet, confirmé par deux sources à Contexte.
« En soi, il n’y a rien de contraignant ni de financier donc je suis surpris », témoigne un parfait connaisseur du dossier. « Mais il y a quand même un gros travail accompli… Et à accomplir. Donc ce plan présage de trucs plus ambitieux, derrière. »
De quoi freiner une fois de plus, peut-être, l’ardeur gouvernementale en la matière. « On aimerait que le gouvernement profite de ne pas être encore en affaires courantes pour publier ce document », réagit Jean Burkard, directeur du plaidoyer du WWF. « Parce que l’inadaptation nous paraît encore exceptionnelle, mais bientôt elle risque précisément de relever des affaires courantes… »
Rares mesures contraignantes
Contexte publie donc l’ultime version du fameux plan national d’adaptation au changement climatique. S’il prévoit bien l’inscription dans la loi d’une trajectoire de réchauffement de + 4 °C d’ici à 2100, il ne mentionne pas de mesures contraignantes, excepté pour certaines grandes entreprises.
« Les entreprises publiques majeures » de transport et de mobilité devaient achever leurs études de vulnérabilité au réchauffement climatique « en 2025 ». Et le plan comptait « rendre obligatoire les plans d’adaptation au changement climatique pour les grandes entreprises gérant des infrastructures d’énergie et de transport et les opérateurs d’importance vitale dès 2026 ».
Autre mesure « contraignante » prévue par le plan : « À compter de 2025, tout soutien public dans les stations, que ce soit en montagne ou sur le littoral, sera conditionné à la réalisation d’un plan d’adaptation. »
Peu de financements
L’annonce de Bruno Le Maire, début février, de ne plus financer la rénovation d’un bâtiment public qui « ne résiste pas au changement climatique » ne figure pas dans le document. Tout comme la piste de prêts garantis par l’État (PGE) « verts » de 2 milliards d’euros pour les projets d’adaptation d’entreprises. Les « principes de financement » de l’adaptation, exposés dans une préversion du Pnacc publié mi-juin par Contexte (relire notre article), ne figurent pas dans la version finale.
Seule mesure explicitement financée : la prévention du risque de retrait-gonflement des argiles, affectant 10 millions de logements en France, à hauteur de 150 millions d’euros supplémentaires en 2025, via une partie de la hausse de la « surprime CatNat » payée par tous les assurés. Prévue pour 2025, cette mesure avait été décidée lorsque Élisabeth Borne était Première ministre. Devait s’ajouter un abondement du « fonds Barnier », à hauteur de 650 millions d’euros.
Agriculture et collectivités ménagées
Contrairement aux grandes entreprises ou au secteur du tourisme, le ton est plus conciliant avec les agriculteurs. Un « accompagnement » est prévu « pour assurer la résilience de leur exploitation », avec la mise en place d’un « diagnostic modulaire d’évaluation de la résilience de l’exploitation au changement climatique » d’ici à 2026.
Même chose avec les collectivités : elles « pourront progressivement mettre à jour » leurs documents d’urbanisme « au fur et à mesure de leur révision, avec pour objectif que 100 % des documents renouvelés intègrent », d’ici à 2030, la trajectoire de + 4 °C en 2100.
Triple consultation
Une triple consultation était prévue : d’abord à destination du grand public, en ligne.
Puis des concertations sectorielles « confiées à chacun des ministres du gouvernement ». Réunissant les « parties prenantes de chaque secteur particulièrement concerné par l’adaptation », elles visaient à « recueillir de nouvelles propositions et surtout […] conclure sur de nouveaux engagements sectoriels ». Deux concertations auraient été « confiées à des personnalités qualifiées : avec les organisations syndicales et patronales autour des conditions de travail en période de forte chaleur, et avec les assureurs pour définir leur rôle dans la prévention ».
Un troisième type de concertations, territoriales, était prévu. Le document prévoyait que les « COP régionales », lancées dans le cadre de la planification écologique et centrées sur la décarbonation, puissent « être réorientées sur un travail de diagnostic et d’actions [consacré] à l’adaptation pendant l’année 2025 ».
Exemplarité. Le plan prévoyait une initiative baptisée « 50 sites précurseurs de l’adaptation » dans le public et le privé. De même qu’un « plan d’adaptation des sites culturels et patrimoniaux majeurs », « en commençant par dix premiers sites dès 2025 ».
Assurance. L’exécutif comptait « inciter les assureurs, en mobilisant des outils financiers, à maintenir une offre assurantielle à tarif abordable sur l’ensemble du territoire », et mettre en place un observatoire de l’assurance des risques climatiques.
Logements. Une étude basée sur les logements existants devait être lancée « entre 2026 et 2028 » pour vérifier la pertinence des travaux tenus de garantir le confort d’été. De même qu’une autre étude, cette fois pour « s’assurer que les logements neufs soumis à la réglementation thermique « restent effectivement confortables pendant une période de forte chaleur cohérente avec le climat futur ».
École. Le plan prévoyait d’engager « une réflexion […] sur l’éventualité d’une obligation de mise en place de salles rafraîchies ». En plus du lancement d’une concertation nationale « pilotée par une personne qualifiée », pour analyser « l’opportunité d’assouplir les rythmes et de faire évoluer les horaires scolaires ».
Risques. La « révision en masse des plans de prévention des risques d’inondation [PPRI] » aurait dû être amorcée, au rythme de 400 PPRI par an. Le plan visait la publication d’une cartographie nationale d’exposition aux risques naturels intégrant les effets du changement climatique d’ici à 2027, réclamée notamment par les assureurs.
Gouvernance. Un comité national de l’adaptation aurait pu être créé en 2024, réunissant les membres de la commission spécialisée du Comité national de la transition écologique et de la commission environnement du Comité économique, social et environnemental : « Les premières réunions, publiques, du comité [auraient eu] lieu au lancement de la concertation publique sur le PNACC et à la fin de la concertation. »
Travail. Aurait dû être lancée une concertation « avec les partenaires sociaux sur les conditions de travail dans un contexte de forte chaleur ». Ainsi qu’une expérimentation, « menée dès l’été 2024 » pour instaurer « des horaires de travail décalés, une semaine en quatre jours [sic] et en augmentant les possibilités de télétravail » lors des pics de canicule.