Les tarifs réglementés français de vente du gaz sont contraires au droit européen.
La décision du Conseil d'État
Dans une décision très attendue, rendue mercredi 19 juillet, l'assemblée du contentieux du Conseil d'État a suivi à la lettre les conclusions du 7 juillet de sa rapporteure publique, Marie-Astrid Nicolazo de Barmon.
«L’entrave à la réalisation d’un marché du gaz naturel concurrentiel que constitue la réglementation tarifaire contestée ne poursuit aucun objectif d’intérêt économique général » défini par la directive européenne de 2009 établissant des règles communes pour le marché intérieur du gaz, écrit le Conseil d'État.
Aussi, le décret de 2013 qui régit ces tarifs, contesté par l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode), qui regroupe les concurrents d'Engie, doit-il être annulé.
Effets « définitifs »
Seulement, cette décision fait « revivre rétroactivement les dispositions du décret du 18 décembre 2009 » que modifiait le décret de 2013 attaqué, jusqu'à son abrogation par un décret de décembre 2015 permettant sa codification dans le code de l'énergie, développe la juridiction.
Plus de neuf millions de consommateurs se fournissant en gaz aux tarifs réglementés pourraient « contester la validité du contrat de fourniture qu'ils ont conclu », pointe le Conseil d'État, sensible à un argument d'Engie. Une situation que « pas même l'association requérante » ne souhaite.
Aussi le Conseil d'État décide-t-il « à titre exceptionnel » « que les effets produits par le décret attaqué sont […] regardés comme définitifs ».
Le gouvernement garde la main
En revanche, il refuse d'accéder à la demande de l'Anode d'enjoindre « à l’État de prendre […] toutes les mesures garantissant la disparition des contrats » aux tarifs réglementés de vente.
L'association professionnelle aurait dû, pour obtenir immédiatement gain de cause, cibler le code de l'énergie et non le décret de 2013, avait souligné la rapporteure publique le 7 juillet dernier.
Sitôt informée, l'Anode a écrit au Premier ministre en demandant l'abrogation du décret de 2015, qui codifie les tarifs réglementés de vente dans le code de l’énergie, a expliqué à Contexte Fabien Choné, président de l'association, qui se « félicite » par ailleurs de la décision du Conseil d'État.
« Soit le gouvernement se met dans l'optique d'abroger ce texte et les tarifs réglementés en mettant tout le monde autour d'une table, soit il refuse notre demande, auquel cas on attaquera directement le texte », prévient l'aussi directeur général délégué de Direct Énergie.
La première option semble possible, à en croire la déclaration, loin d'être enthousiaste, du ministre de l'Énergie, Nicolas Hulot, auditionné le 18 juillet au Sénat :
«Nous avons déjà repoussé l’échéance » de leur suppression. « Il en va du gaz comme de l’électricité, à un moment, il faudra s’y plier. »
Les consommateurs fourbissent leurs armes
Les arguments valant pour l'annulation des tarifs réglementés du gaz « s'appliquent à l'électricité », poursuit Fabien Choné. Un « risque de contagion » qu'ont pointé l'UFC Que Choisir et la CLCV sitôt connue la décision du Conseil d'État.
Pour les deux associations de consommateurs, les tarifs réglementés de vente de l'énergie agissent « comme un prix plafond impossible à dépasser pour les offres de marché proposées par les fournisseurs alternatifs » et constituent « un référentiel de marché » qui « n’est pas un obstacle à la concurrence ».
Elles promettent de s'opposer « à toutes tentatives de faire disparaître le tarif réglementé de vente » et se disent « prêtes à mettre œuvre toutes les actions, notamment juridiques, nécessaires pour protéger les consommateurs d’un dérapage des prix de l’énergie ».
Engie veut une action rapide du gouvernement
De son côté, Engie a « [pris] acte de cette décision qui s'adresse à l'État », a réagi l'énergéticien.
« Il appartient en effet au gouvernement de tirer le plus rapidement possible par voie législative les conséquences de cette décision en prenant en compte l’intérêt de nos clients. »
Concerné au premier chef par la décision du Conseil d'État, le gazier plaide pour « une période de transition suffisamment longue » afin de permettre aux consommateurs « d’appréhender dans les meilleures conditions les offres du marché ».
Engie, enfin, pointe un risque de « distorsion concurrentielle » :
La décision du Conseil d'État devra « s’appliquer le plus simultanément possible aux tarifs réglementés de vente d’électricité ».