Le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) est prêt, enfin presque. L’avant-projet de texte déposé en août au Conseil d’État, que Contexte publie (ci-dessous), rassemble en 29 articles les grandes mesures déjà annoncées sur la gouvernance des transports et les compétences des collectivités, les « mobilités propres » ou encore l’ouverture des données. La note de présentation qui l’accompagne indique qu’il sera présenté en Conseil des ministres en octobre.
Le texte que nous dévoilons a donc subi un sérieux toilettage depuis ses premières moutures du printemps, où il avait atteint plus de 130 articles.
Un texte à trou
Mais il comporte encore quelques trous, et pas des moindres. Comme le volet programmation et financement des infrastructures qui pourrait comporter, ou pas, la création d’une vignette pour les poids lourds. La note précise que les concertations se poursuivent, « avec les exécutifs régionaux notamment ». « On met les dernières touches », explique-t-on au gouvernement.
Même chose pour les modalités précises de refonte du versement transport. Le texte prévoit bien que celui-ci évolue en « versement mobilité », mais le travail est encore en cours pour octroyer une « ressource adaptée » aux autorités organisatrices qui vont récupérer une compétence mobilité simplifiée.
Les réflexions sur les dossiers liés aux taxis et aux VTC et les licences accordées par les autorités organisatrices aux opérateurs privés ne sont pas non plus achevées. Ces dispositions « font l’objet d’un travail complémentaire en vue d’une saisine complémentaire [du Conseil d’État] début septembre », indique la note de présentation. Maraude électronique des taxis, transport occasionnel rémunéré, ouverture des données… Contexte vous a révélé en substance, début août, la philosophie du gouvernement qui pourrait à nouveau rebattre les cartes du secteur du transport public particulier de personnes (T3P).
100 % du territoire couvert par une autorité organisatrice : les modalités confirmées
Les mesures finalisées ne comportent guère de surprises par rapport aux annonces égrenées par la ministre des Transports, Élisabeth Borne, avant l’été. Le projet de loi s’ouvre sur le volet gouvernance des mobilités. Elle martèle depuis des mois qu’elle souhaite que l’ensemble du territoire soit désormais couvert par une autorité organisatrice (contre seulement 20 % actuellement). Pour ce faire, elle a annoncé en juillet que la loi simplifiera la prise de compétence pour les intercommunalités. Si celles-ci ne s’en saisissent pas dans les deux ans, c’est la région qui se substituera à elles.
Ce principe et le délai prévu figurent bien dans le texte transmis au Conseil d’État :
« L’échéance est fixée au 31 décembre 2020. La réversibilité annoncée par la ministre en cas d’évolution de la carte intercommunale ou suite à la création d’un syndicat mixte figure également bien dans le texte. »
Les collectivités obtiennent de nouvelles compétences et devront mieux se coordonner
Comme prévu, le projet de loi comporte aussi un article (article 4) destiné à améliorer la coordination des politiques de mobilité. Il crée les contrats opérationnels de mobilité afin d’assurer une coordination entre la région et les autorités organisatrices. Il instaure aussi les comités des partenaires qui seront consultés avant toute « évolution substantielle » de l’offre de mobilité, des tarifs et du taux du versement mobilité.
L’article 5 confirme le remplacement des plans de déplacements urbains (PDU) par des « plans de mobilité » et prendra aussi en compte les « mobilités actives », la « mobilité inclusive » et devra comporter des mesures limitant l’étalement urbain. Un « schéma structurant cyclable et piéton » sera aussi désormais systématiquement défini.
Définition des mobilités actives dans le texte : « Les mobilités actives sont l’ensemble des modes de déplacements où la force motrice humaine est nécessaire, avec ou sans assistance motorisée. Elles comprennent notamment la marche, le vélo et le vélo à assistance électrique. »
Les autorités organisatrices gagnent aussi des compétences. Elles pourront financer des services de mobilité à caractère social (article 6), verser des aides à la mobilité (article 6), réserver des voies à certains véhicules ou usages (comme le covoiturage) selon des modalités à préciser par décret (article 16), tandis que les métropoles pourront financer des services ferroviaires régionaux (article 1er).
Ouverture des données pour 2020
Le titre II qui traite du volet numérique et des données confirme quant à lui les annonces d’Élisabeth Borne du 13 juin au Salon européen de la mobilité. L’ouverture des données, y compris en temps réel, prévue par la réglementation de 2017, se fera en deux temps : un an à compter de l'entrée en vigueur de la loi, pour les données relevant du réseau transeuropéen de transport (RTE) et les transports des métropoles, deux ans pour « les autres parties du réseau de transports » (article 9). Comme annoncé, il reviendra aux régions de prendre en main cette démarche (article 10). Le texte précise qu’une compensation financière pourra être demandée à un utilisateur « si la mise à disposition des données à cet utilisateur entraîne un coût significatif ».
Ces évolutions aboutissent à la création de nouvelles compétences du régulateur, l’Arafer. Elle aura une mission de contrôle, de règlement des différends et de sanction pour veiller à la mise en œuvre de l’accès aux données (article 11). Lors d’une conférence de presse le 6 juillet, son président s’était montré peu désireux de récupérer ces pouvoirs.
Avec l’article 12, les autorités organisatrices devront veiller à l’existence de services d’information multimodaux (SIM), c’est-à-dire des plateformes d’information des voyageurs. Mais la rédaction de cet article a été remaniée par rapport aux précédentes versions. Il est moins prolixe sur les objectifs et modalités de création d’un SIM. Mais, concernant la billétique, il détaille davantage ce qui devra figurer dans l’accord contractuel permettant l’accès au service de vente et de réservation.
Ordonnances autorisées sur le véhicule autonome
Comme dans les précédentes versions, le projet de loi comporte différentes dispositions visant à « encourager les innovations ». Il autorise le gouvernement à prendre des ordonnances pour construire le cadre permettant la circulation de véhicules autonomes (article 13) et d'assurer la mise à disposition des données des véhicules connectés (article 14). Des ordonnances pourront aussi être prises pour instaurer des dérogations nécessaires à des expérimentations de nouvelles solutions de mobilité de tous ordres (article 15).
Déclinaison du plan « Mobilités propres », présenté en juillet
« Tripler la part modale du vélo d’ici 2024 ». L’objectif était connu et officiellement inscrit dans le plan « mobilités propres », présenté le 20 juillet. Pour atteindre cet objectif, ce plan annonçait le passage de l'indemnité kilométrique vélo (IKV) à un « forfait mobilité durable ». Ce dernier est inscrit à l’article 21 de l’avant-projet de loi, avec une « limite globale de 400 euros par an ». Il est ouvert aux trajets « accomplis au moyen d’un vélo ou d’un vélo à assistance électrique personnel, ou en covoiturage en tant que passager ». Comme pour les transports en commun, les employeurs seront exonérés de cotisations sociales sur le remboursement de leurs salariés. Ces derniers seront exonérés d’impôts sur ces revenus, précise le texte.
D’autres mesures entendent favoriser l’utilisation du vélo (article 17 et 18). Par exemple : « Toute personne qui procède à des travaux sur un parc de stationnement annexe » équipant certains bâtiments (ceux accueillant un « service public » ou « à usage industriel ou tertiaire »), devra se doter « d’infrastructures permettant le stationnement des vélos ».
Contre le vol et la revente illicite des vélos, le texte prévoit notamment « la création de l’attribution d’un identifiant exclusif inscrit sur le cadre du cycle », et l’inscription à un « fichier national des propriétaires de cycles ». Une autre mesure devrait faire réagir en milieu urbain : pour des questions de visibilité et donc de sécurité : « aucun emplacement de stationnement ne peut être aménagé sur la chaussée cinq mètres en amont des passages piétons, sauf si cet emplacement est réservé aux cycles et cycles à pédalage assisté. ».
Comme prévu, un article (22) rebaptise les « zones à circulation restreinte en France (ZCR) » en « zones à faibles émissions (ZFE) ». Dans son plan « mobilités propres » le gouvernement vise 14 « zones à faibles émissions » d’ici 2021. Un dispositif mis en avant pour répondre à la procédure d’infraction ouverte par la Commission européenne le 17 mai pour dépassement des limites en matière de pollution de l’air.
Bornes de recharge et approvisionnement
Deux de ces 29 articles ont un contenu purement énergétique. Jusqu’au 1er janvier 2022, 75 % du raccordement d’une borne de recharge de véhicules électriques pourront être financés par le tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (art. 19). Le taux est de 40 % actuellement. Ce niveau pourra être différencié par arrêté publié après avis de la Commission de régulation de l’énergie. Le projet de loi prévoit aussi (art. 20) le recours à une ordonnance pour aider les installations de production de biogaz à se raccorder au réseau, dans un délai d'un an après sa promulgation. Ce même article prévoit qu'une station de ravitaillement en gaz puisse se raccorder au réseau de transport, sous respect de critères définis par décret. Le code de l'énergie prévoit un raccordement prioritaire au réseau de distribution.
Volonté encore floue de renforcer les contrôles des émissions polluantes des véhicules
En réaction, ce jour-là, le ministère de la Transition écologique s’est engagé à « amplifier les ambitions » sur « des règles d’homologation des véhicules et de surveillance du marché » , décidées au niveau européen. De façon moins attendue, le sujet se retrouve dans l’avant-projet de loi. L’article 23 habilite le gouvernement à prendre une ordonnance pour « prendre toute mesure relevant du domaine de la loi afin de rechercher, constater et sanctionner les infractions et les manquements à la réglementation, applicable à la mise sur le marché des véhicules à moteur et des pièces détachées… », et une autre pour intégrer dans la législation des mesures prises au nom du règlement européen de 2016 sur les limites d’émissions de gaz et particules polluantes. Rien de plus précis, pour le moment.
Une mesure sur le fret ferroviaire, en attendant le volet « financement »
L’article 26 de l’avant-projet de loi pérennise le système de prise en charge par l’État d’une partie des coûts de l’utilisation du réseau ferroviaire, appelé « compensation fret ». Pas de détail sur le dispositif, dont les modalités doivent être précisées par voie réglementaire.
Le volet « programmation des infrastructures » du projet de loi doit contenir d’autres mesures soutenant le fret ferroviaire, comme l’a expliqué la ministre des Transports Élisabeth Borne le 8 juin en présentant son plan de relance. Et notamment, la fameuse aide au transport combiné. Cette dernière doit être reconduite pour « une nouvelle période de cinq ans, à hauteur de 27 millions d’euros par an ». Elle fait l’objet de discussions très régulières entre les services de la Commission et Paris.
Les chances de voir la LOM examinée d’ici la fin de l’année par le Parlement sont très réduites, tant le calendrier est chargé. Mais d'ici là, le projet de loi de finances pourrait pour 2019 inclure certaines dispositions.
L'avant-projet de loi d'orientation des mobilités déposé en août :
Son exposé des motifs :
Et la note de présentation :