« L’initiative sur les produits durables est le fleuron, l’apogée du plan d’action économie circulaire. »
C’est ainsi que Kęstutis Sadauskas, directeur économie circulaire à la Direction générale de l’environnement, présentait, le 1ᵉʳ mars, les contours de la future initiative (Sustainable Products Initiative, ou SPI) que la Commission prévoit de dévoiler à la fin du mois, le 30 mars.
Contexte publie une version provisoire de ce nouveau texte législatif, brique essentielle du Green Deal et du plan d’action en faveur de l’économie circulaire. Objectif annoncé : s’assurer que les marchandises introduites sur le marché européen respectent une série de normes en ce qui concerne la durabilité et la circularité. Et ainsi redéfinir de fond en comble la façon dont sont conçus pratiquement tous les objets de la vie quotidienne.
Un règlement puis un long et fastidieux processus réglementaire
Première information : la Commission opte pour un règlement et non une directive. Un choix qui « permet de s’assurer que les obligations sont mises en œuvre au même moment, et de la même façon, dans les 27 États membres », justifie l’exécutif.
Il abroge la directive sur l’écoconception en vigueur depuis 2009, qui s’appliquait uniquement aux produits liés à l’énergie. Le nouveau règlement étend le périmètre de la législation actuelle dans deux domaines : le champ des produits couverts et les normes d’écoconception à respecter. Le règlement amende aussi un autre texte, consacré à la surveillance du marché et à la conformité des biens.
Cette nouvelle législation annonce un long et fastidieux chantier réglementaire, au cours duquel la Commission agira par la voie d’actes délégués (législation secondaire) pour appliquer les grands principes énumérés à divers groupes de produits.
Pas moins de 30 nouveaux actes délégués, consacrés à des produits à ce jour non régulés, sont envisagés d’ici 2030 : 18 entre 2024 et 2027, puis 12 de plus entre 2028 et 2030. Et une trentaine d’actes existants devront être révisés d’ici 2026. Un processus qui nécessite « 54 équivalents temps plein pour mettre pleinement en œuvre le règlement […] au cours des six prochaines années ».
Un programme de travail sur les trois prochaines années doit être publié en même temps que l’initiative. Il détaillera les groupes de produits concernés et annoncera l’échéancier des actes délégués.
Hiérarchie des priorités
Quasiment tous les produits sont dans le viseur de la Commission, des textiles à l’électronique en passant par les meubles, l’acier ou encore les substances chimiques. Avec quelques exceptions : les produits alimentaires et médicaux, l’alimentation animale et les produits vivants sont ainsi exclus. Même chose pour ceux qui font déjà l’objet d’une législation sectorielle, comme les emballages, les batteries, les produits de construction ou les véhicules. Mais leurs normes seront alignées sur celles édictées par la SPI.
La Commission européenne hiérarchisera les priorités afin de déterminer l’ordre dans lequel les produits seront régulés au cours des prochaines années. Plusieurs critères sont prévus (art. 15) : la contribution potentielle aux objectifs climatiques, énergétiques et environnementaux de l’Union ; le « potentiel de circularité » des produits ; le volume commercial ou encore l’impact environnemental, la consommation énergétique et la génération de déchets au cours de la chaîne de valeur.
Et elle devra ensuite, pour chaque groupe de produit identifié, définir les normes de durabilité et de circularité à respecter, listées dans la SPI.
Les grands principes d’écoconception
Durabilité et fiabilité, réemployabilité, réparabilité, facilité de remise à neuf, de reconditionnement et de recyclage, présence de substances préoccupantes, consommation d’énergie, utilisation de matière recyclée, empreintes carbone et environnementale… Tels sont les critères d’écoconception que la Commission envisage d’appliquer.
Mais ils ne seront pas tous de facto mis en œuvre pour chaque bien. Tout dépendra de l’analyse conduite sur le cycle de vie complet des produits.
À ces principes directeurs, la Commission ajoute des critères concernant la performance des produits et le niveau d’information accessible aux consommateurs et opérateurs économiques.
Des critères de performance
Pour la performance, il pourra s’agir d’exigences minimales ou maximales, comme la quantité de matière recyclée à incorporer dans un produit ou la limite de consommation énergétique. La Commission évoque aussi la possibilité d’interdire des technologies qui entraveraient la réparation des biens.
S’agissant des substances chimiques « préoccupantes », la Commission veut se donner plus de moyens pour restreindre leur usage. Le règlement Reach, pilier de la législation européenne sur les produits chimiques, continuera à jouer son rôle de limitation des substances.
Mais « [il] ne permet toutefois pas d’aborder […] les impacts sur la durabilité qui ne sont pas liés à la sécurité chimique ». Pour remédier à cette faille, le nouveau règlement permettra « sous certaines conditions » de réduire les substances présentes dans les biens ou utilisées dans leur processus de fabrication lorsqu’elles ont « une incidence négative sur la durabilité du produit, pour des raisons autres que la sécurité chimique ».
Passeport numérique
Outre la performance, la Commission veut renforcer le niveau d’information à disposition des consommateurs et de tout opérateur économique impliqué dans le traitement, le démontage et le recyclage des objets lorsqu’ils sont en fin de vie.
Toutes ces informations seront condensées dans un « passeport numérique », que la Commission veut rendre obligatoire. Mais à nouveau, le type de renseignements à y afficher dépendra des produits.
L’exécutif envisage notamment une classification similaire à celle utilisée pour les produits électroménagers, avec un système de lettres permettant de les comparer.
Halte à la destruction d’invendus
Pour éviter toute destruction d’invendus, le règlement introduit une obligation de transparence pour les opérateurs économiques, tenus de communiquer sur le nombre de produits de consommation réduits en poussière chaque année.
À terme, la Commission n’exclut pas, selon les produits, d’interdire tout bonnement la destruction des marchandises qui ne trouvent pas preneur.
Le projet de texte