Comment faire cesser « toute artificialisation nette des sols en 2050 » en France, et réduire de moitié son rythme de progression lors de la prochaine décennie, deux objectifs inscrits dans la loi climat et résilience ?
Le gouvernement prépare l’application de cette mesure phare du texte issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Elle repose sur trois décrets en Conseil d’État, que publie Contexte.
Tous trois ont été présentés le 6 décembre aux parties prenantes (collectivités, aménageurs, ONG) par la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) du ministère de la Transition écologique.
Sol artificialisé
Le premier projet de décret définit ce qu’est un sol artificialisé, et ce qui ne l’est pas, pour pouvoir « évaluer localement et nationalement l’artificialisation nette des sols ».
Cette définition repose sur une nomenclature, dotée de « seuils de détection minimaux » pour la catégorisation des surfaces. Ainsi, un sol imperméabilisé par un revêtement – asphalte, béton ou dalles – sera considéré comme artificialisé au-delà de 500 mètres carrés en zone construite, ou 2 500 mètres carrés en zone non construite.
« Un bâtiment agricole de 40 m2 situé à plus de 10 mètres de tout bâtiment et au milieu d’un espace herbacé se trouve en dessous du seuil de détection du bâti (50 m2). Il sera alors intégré dans la catégorie surface végétalisée/herbacée », illustre encore la note de présentation du décret.
Carrières et photovoltaïque exemptés
En l’état, le texte prévoit que les carrières ne sont pas considérées comme artificialisées. Les panneaux photovoltaïques ne sont pour l’instant pas visés « explicitement », souligne la note de présentation associée.
Un débat subsiste sur l’appréciation des surfaces végétalisées attenantes à des surfaces artificialisées (habitations, activités du secteur secondaire ou tertiaire, équipements publics…). La fixation du seuil de détection (500 m2 ou 2 500 m2) reste à arbitrer. L’enjeu :
Permettre « d’encourager et faciliter les projets de densification douce (Bimby [build in my backyard]), mais aussi de décourager l’étalement urbain peu dense, tout en préservant les espaces de nature en ville ».
« II convient de noter que la fixation d’un seuil pour la dernière catégorie à 2 500 m2 et non à 500 m2 tend à augmenter le volume des surfaces artificialisées », en tout cas dans le bassin d’Arcachon, seul exemple pris par l’administration dans sa note. De 8 400 hectares dans le premier cas, il baisse à 6 700 hectares dans le deuxième. Mais les effets concrets de ce seuil restent à mesurer dans d’autres endroits du territoire national.
Déclinaison régionale
Le deuxième décret, toujours en Conseil d’État, est non prévu « expressément » par la loi, selon sa note de présentation. Il précise ce que doivent contenir les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) pour décliner à l’échelle locale l’objectif de ralentissement de l’artificialisation.
Le texte acte déjà le report de six mois, annoncé par Emmanuel Macron et inscrit par amendement gouvernemental dans le projet de loi 4D, de l’« évolution des documents de planification régionale ». Le coup d’envoi devra être lancé avant le 22 août 2022, alors que la loi climat avait prévu le 22 février.
Cette inscription dans le Sraddet « n’entraîne pas une forme de tutelle de la région sur le bloc communal/intercommunal », prend soin de temporiser l’administration.
Les schémas régionaux devront permettre d’identifier les projets « d’envergure régionale ou nationale » qui ne seront pas comptabilisés comme « artificialisants ».
Enfin, le troisième projet de décret en Conseil d’État instaure un « rapport local de suivi de l’artificialisation des sols ». Tous les trois ans, communes ou intercommunalités compétentes devront rendre compte aux services de l’État du rythme de l’artificialisation des sols et du respect des objectifs déclinés au niveau local.
Les données seront fournies par l’État, « en particulier à travers un observatoire national de l’artificialisation des sols ». Selon sa note de présentation, le Cerema élabore un « tableau de bord de suivi de la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers ». Et la version « bêta » d’une plateforme destinée aux aménageurs a été mise en ligne.
Les trois projets de décrets sur
– la définition d’un sol artificialisé ;
– le rapport local triennal ;
– la traduction dans les Sraddet.
Et leur note de présentation respective (1, 2 et 3).