EN-FIN ! Le gouvernement publie, le 25 janvier, le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie et ses annexes.
NB : Le contenu de l'article se base sur une nouvelle synthèse du ministère de la Transition écologique, et non sur le document complet. Celui-ci a été publié à 16 h 21.
Le document, qui couvre tous les volets de la politique énergétique française de 2019 à 2028 – sécurité d'approvisionnement, efficacité énergétique, énergies renouvelables et de récupération, réseaux, stockage, équilibre du système énergétique, pouvoir d'achat, emploi, mobilité – est, avec la stratégie nationale bas carbone (relire notre article), l'un des deux éléments de la « stratégie française pour l'énergie et le climat ». Ses grandes lignes avaient été dévoilées par Emmanuel Macron et François de Rugy le 22 novembre (relire notre article).
Nombreux chantiers en jachère
Nombreux chantiers. À l’exception d'un calendrier des appels d'offres pour l'électricité renouvelable (lire plus bas), le document apporte peu de nouveaux détails, et laisse ouverts les dossiers suivants :
- la trajectoire de fiscalité carbone, dont la hausse de 2019 a été annulée à la suite de la crise des Gilets jaunes. Le destin de ce pilier de la politique énergétique d'Emmanuel Macron est suspendu au grand débat, en cours jusqu'au 15 avril. Le plan climat prévoyait un prix de la tonne de CO2 de 86 euros en 2022
- la décision de renouveler le parc nucléaire, qui sera tranchée à l'aune d'un dossier commandé à EDF par l'exécutif d'ici à 2021
- le futur de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Emmanuel Macron a dit vouloir prolonger et réformer ce dispositif, capital pour le secteur électrique, qui s'achève en 2025
- le report au prochain quinquennat de la décision « d'engager des mesures contraignantes » dans le bâtiment. Le gouvernement se donne jusqu'à 2023, après la présidentielle, pour « analyser plus finement » le parc de logements. L'interdiction de proposer à la location des passoires thermiques et un dispositif de consignation pour rénover les logements de classe F et G lors de leur vente sont envisagés au conditionnel.
- l'actualisation du facteur de conversion de l'électricité en énergie primaire, utilisé dans la réglementation des bâtiments neufs. Un dossier aussi technique que conflictuel entre secteurs électrique et gazier (relire nos articles ici et ici), alors que ce vecteur énergétique perd du terrain dans la PPE.
Les points à retenir
Consommation d'énergie. Le document fixe un objectif de baisse de 7 % en 2023 par rapport à 2012, et de 14 % en 2028, en mettant l'accent sur les énergies fossiles. L'objectif de baisse de ces énergies fossiles sera revu à la hausse, de 30 à 40 % en 2030, comme l'a déjà annoncé François de Rugy.
En revanche, l'objectif global de baisse de la consommation d'énergie finale sera revu à la baisse, de 20 % à 17 % en 2030, dans la « petite loi énergie ». En retard sur ses objectifs, le ministère craint de ne pas pouvoir complètement le rattraper dans la décennie à venir.
Énergies fossiles. L'arrêt des centrales à charbon ne fait pas l'objet d'un calendrier dans la PPE. Elle ne traite pas plus de la question d'une indemnisation.
L'inflexion récente du gouvernement en faveur du projet Ecocombust, qui reviendrait à maintenir une petite part de charbon dans la centrale de Cordemais après 2022, sera-t-elle traduite dans le document final ? Promesse de campagne, la fermeture des centrales à charbon durant son quinquennat est l'autre pilier de la politique énergétique d'Emmanuel Macron. L'administration exclut de financer la production d'électricité à partir de biomasse dans la centrale de Loire-Atlantique.
Nucléaire. La PPE reprend la trajectoire de décroissance nucléaire annoncée par Emmanuel Macron fin novembre. Soit quatorze réacteurs de 900 MW d'ici à 2035, dont les deux de Fessenheim « à l'horizon du printemps 2020 », et quatre à six pendant la PPE. Une révolution, comparé à l'unique paragraphe consacré au sujet dans l'actuelle PPE (p. 41-42).
«L'idée est d'identifier les sites à fermer dans la PPE, après consultation », selon une source ministérielle. Le gouvernement mise sur le plan stratégique d'EDF, que le groupe doit rendre six mois après la publication du décret, qui devra intégrer ces chiffres. « L’abrogation d’une autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité ne peut intervenir que sur demande de son titulaire », a récemment rappelé le Conseil d'État.
Le document n'aborde pas la question des indemnisations ou du nouveau programme nucléaire. Il prévoit aussi le moxage de réacteurs de 1 300 MW.
Exportations. La PPE aboutit à un solde d'échanges électriques de 120 à 130 TWh d'ici à 2028. Le plus important jamais atteint par la France s'est élevé à près de 80 TWh en 2002, selon RTE (p. 14). Il était de 38 TWh en 2017. D'autres études européennes parviennent à un solde d'échanges aussi élevé (p. 52).
L'administration prévoit de publier un document plus complet sur les bilans énergétiques, commun à la PPE et à la SNBC, « dans quelques semaines ».
Électricité renouvelable. La PPE prévoit 74 GW de capacités installées en 2023, en hausse de 50 % par rapport à 2017, et de 102 à 113 GW en 2028, soit un doublement par rapport à 2017. Soit une part de 27 % de renouvelables dans le mix électrique en 2023, et 36 % en 2028.
En 2023, l'essentiel sera assuré par l'hydroélectricité (25,7 GW), l'éolien terrestre (24, 6 GW), le photovoltaïque (20, 6 GW) et l'éolien en mer (2,4 GW).
En 2028, le photovoltaïque sera premier en capacités (35,6 à 44, 5 GW), suivi par l'éolien terrestre (34,1 à 35,6 GW), l'hydroélectricité (26,4 à 26,7 GW) et l'éolien en mer (4,7 à 5,2 GW). L’objectif éolien terrestre implique de faire passer le parc éolien de 8 000 à 14 500 mâts en dix ans. L'objectif éolien offshore dépendra notamment du résultat de l'appel d'offres de Dunkerque. Un encadrement du soutien est déjà prévu, avec une perspective de 60 €/MWh d'ici à 2024, selon le calendrier d'appels d'offres pluriannuel.
Sur l'hydroélectricité, l'administration promet « la remise en concurrence de concessions échues » pendant la période de la PPE, et non de toutes.
Gaz. De 493 TWh en 2017, la consommation de gaz est réduite à 470 TWh en 2023, et 420 TWh en 2028. Une partie de cette énergie fossile sera verdie, avec des objectifs conditionnés à une baisse des coûts de cette filière chère. Soit une part de biogaz de 7 % en 2030 si les baisses de coût sont conformes aux objectifs, de 10 % si elles sont supérieures, pour « ne pas dépasser le niveau de dépense publique visé ». La PPE prévoit 6 TWh de biogaz injecté en 2023, et 14 à 22 TWh en 2028.
Deux appels d'offres pour le biogaz injecté, avec objectif de production annuelle de 350 GWh/an, seront lancés chaque année. Un tarif d'achat moyen de référence est fixé à 67 €/MWh en 2023 et 60 €/MWh en 2028. Pour les petites installations éligibles à un soutien en guichet ouvert, le tarif maximal sera de 87 €/MWh en 2023 et 80 €/MWh en 2028. Il sera réduit en cas de contractualisation annuelle supérieure à 800 GWh par an, toutes filières de valorisation confondues.
Concernant l'hydrogène, la PPE reprend pour l'essentiel les objectifs annoncés par Nicolas Hulot en juillet dernier, à savoir 10 % d'hydrogène décarboné utilisé par l'industrie en 2023, et de 20 à 40 % en 2028.
Budget. Du côté de l'électricité renouvelable, 30 milliards d'euros supplémentaires seront engagés entre 2018 et 2028 et investis en 20 ans, s'ajoutant à 95 milliards d'euros de dépenses déjà programmées, du fait des anciens contrats d'achat déjà engagés lorsque la filière renouvelable nécessitait d'être lancée à grands frais. Le budget dédié à la production de gaz renouvelable sera, lui, compris entre 7 et 9 milliards d'euros. L'administration a retenu une trajectoire de prix de l'électricité de 56 €/MWh en 2030.
Chaleur. Ce vecteur énergétique pèse 42 % de la consommation finale d'énergie en 2016, soit 741 TWh. La PPE prévoit de réduire les besoins à 690 TWh en 2023 et 631 TWh en 2028. La production de chaleur renouvelable et de récupération serait fixée entre 218 et 247 TWh en 2028, soit de 35 à 39 % de la consommation totale de chaleur, contre 21 % actuellement. La biomasse en sera le principal vecteur, assurant de 157 à 169 TWh en 2028. Cet objectif nécessite un rythme une fois et demie plus soutenu que celui constaté entre 2010 et 2016.
Une trajectoire financière est affichée pour le fonds chaleur, afin d'atteindre 350 millions d'euros en 2020, proche de l'engagement présidentiel de le doubler, à 400 millions d'euros. L'obligation d'un taux minimum de chaleur renouvelable pour les bâtiments neufs est prévue avec la future réglementation environnementale 2020 (RE2020).
Biocarburants. Les objectifs renouvelables dans les carburants sont bien plus faibles, le pays partant de bien plus loin, justifie le ministère. Le taux de biocarburants de deuxième génération, en moindre compétition avec l'alimentation ou la forêt, sera de 3,8 % en 2028 pour l'essence, et 3,2 % pour le gazole – contre respectivement 0 % et 0,47 % en 2016. La part de biocarburants de première génération ne dépassera pas 7 %, comme prévu par la directive sur les énergies renouvelables.
Emploi. Le rapport confié à l'ancienne présidente du Medef, Laurence Parisot, sur la programmation des emplois et compétences, prévu par la loi de transition énergétique, sera « bientôt rendu public ». Il doit permettre au gouvernement de disposer d'une « vision statistique claire des emplois de la transition énergétique ».