Il n’y a pas que la stratégie du gouvernement en matière de nucléaire qui soit opaque. Autre pilier de la "loi du quinquennat", le fonds de financement de la transition énergétique, à propos duquel Ségolène Royal dit régulièrement avoir dû batailler auprès de Bercy pour le concrétiser, est mis en cause par les interlocuteurs qu’a pu interroger Contexte.
Nombreux sont les élus, membres d'associations et d'administrations, qui tiennent à rester anonymes, à douter de la réalité de son approvisionnement et à s'interroger sur son contenu.
Alimentation opaque
Le sentiment d'opacité est conforté par les multiples définitions et objectifs qui ont pu lui être attribués, dès l'origine.
Pour "aller plus loin" dans le financement de la transition énergétique, l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault évoquait ainsi, en clôture de la deuxième conférence environnementale de septembre 2013, une mobilisation d'une "partie des gains financiers perçus sur le parc nucléaire existant" "pendant toute la durée de vie restante de nos centrales, et tout en assurant une sécurité maximale".
Un an plus tard, lors de la troisième conférence environnementale de novembre 2014, François Hollande annonce avoir "décidé la création d’un fonds de financement de la transition énergétique", doté de 1,5 milliard d’euros sur trois ans. Il doit être "alimenté par le programme des investissements d’avenir, les certificats d’économies d’énergie", "par les dividendes que l'État reçoit du secteur de l’énergie", ainsi que par les "ressources propres" de la Caisse des dépôts.
La délicate situation financière du groupe EDF empêche le versement, comme prévu, de 750 millions d'euros de dividendes sur trois ans. C'est d'autant plus le cas en 2016-2017, années pour lesquelles l'énergéticien a annoncé qu'il les verserait à l'État en actions.
"Enveloppe spéciale"
Le gouvernement crée alors par amendements, lors de l'examen de la loi de transition énergétique, une "“enveloppe spéciale transition énergétique”, dont les ressources sont définies en loi de finances" (art. 20). "Les engagements des dépenses du fonds sont décidés par le ministre chargé de l'Écologie et les ordres de payer sont délivrés par le ministre chargé de l'Écologie et par les préfets de région."
250 millions d'euros y sont bien affectés par la loi de finances rectificative 2015. En revanche, le financement pour l'année 2016 n'est pas prévu en loi de finances.
L’une des rares interrogations publiques à ce sujet émane de la députée PS Sabine Buis, lors d’une table ronde de la mission d’information de l'Assemblée nationale sur la loi de transition énergétique consacrée au bâtiment (26’14), le 29 juin dernier.
"Quelles sont vos remarques relatives à ce fonds, alors que la loi de finances 2016 n’a pas forcément encore inscrit de crédits budgétaires ?" demande-t-elle aux différentes personnes auditionnées.
"En l'état, l'abondement à hauteur de 1,5 milliard d'euros sur trois ans n'est pas assuré", confirme un très bon connaisseur du dossier auprès de Contexte. "Il faudra pour cela attendre les débats budgétaires, jusqu'à l'automne 2017."
"Flou total"
Le reste du fonds serait abondé de la manière suivante :
- 350 millions d’euros par la Caisse des dépôts
- 300 millions d’euros du programme d'investissements d’avenir (PIA)
- 150 millions d’euros de recettes émanent des CEE
Mais "c'est le flou total sur les sources de financement", assurent plusieurs observateurs de premier plan.
Le fonds doit financer de nombreux projets initiés par Ségolène Royal, rappelait, en novembre 2015, le sénateur Bruno Sido, dans son rapport pour avis sur la loi de finances pour 2016 :
- les territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV)
- les territoires zéro gaspillage zéro déchets
- le doublement des moyens attribués au fonds chaleur
- un complément de 20 millions d’euros en faveur de l’Anah
- un complément exceptionnel pour l’aide à l’exploitation du transport combiné, dans la limite de 10 millions d’euros par an sur trois ans.
Les lauréats de l'appel à projets territoires à énergie positive toucheraient bien, après signature des différentes conventions avec le ministère de l'Environnement, les montants promis. Mais, en mars 2016, seuls 104 millions d'euros auraient été engagés. Par ailleurs, la bonification prévue des aides de l'Ademe dans ces territoires aurait été reportée.
Enfin, le doublement du fonds chaleur de 220 à 420 millions d'euros d'ici à 2017 dépend également du fonds de financement de la transition énergétique, avait annoncé Ségolène Royal en avril 2015. Sa progression n'est toujours pas effective, avaient alerté début juillet plusieurs associations.
"C'est de l'ordre du slogan", assure un autre connaisseur du dossier. "Il n'y a aucune perspective budgétaire claire."